Here, No Balloon.
2022, 2.5D (StareReap) Print, Tirage argentique, collage sur toile.
L’élément déclencheur de ce travail a été la découverte d’une photographie, prise à Paris au début de 1900.
Un monument imposant se dresse derrière un groupe de personnes habillées en vêtements de l’époque. Le monument en bronze est lui-même composé de plusieurs figures humaines amalgamées soutenant un grand ballon au-dessus de leur tête. Alors que je vis à Paris depuis de nombreuses années, je n’avais jamais vu ce monument. J’ai effectué quelques recherches et j’ai découvert qu’il s’agissait d’une œuvre du sculpteur Bartholdi, surtout connu pour sa Statue de la Liberté à New York, réalisée en hommage aux pilotes de montgolfières et aux pigeons voyageurs pendant le siège de Paris en 1870. Le monument n’existe plus, il a été fondu avec des centaines d’autres pendant l’occupation allemande de Paris en 1941. Le fait que les sculptures en bronze puissent être fondues, bien qu’évident, m’a secouée. Pour détruire une peinture ou une photographie, il faut la brûler, ou la déchirer. Les statues, elles, peuvent être fondues et devenir autre chose.
« Oui, elles a été portée à la température de fusion, comme des centaines d’autres sculptures… »
Je me suis immédiatement rendue à la Porte des Ternes, où se trouvait ce monument, appareil photo en main. Aujourd’hui, un hôtel se dresse dans la rue, et seules quelques maisons sur le côté droit à l’entrée du boulevard et le nom de la brasserie “Le Ballon des Ternes” conservent le souvenir du passé. J’ai photographié en noir et blanc argentique le paysage de la zone où le monument devait être érigé, en imaginant la place telle qu’elle était sur les anciennes photographies. Je pensais aux technologies du passé, aux ballons à air chaud et aux anciennes communications par pigeon voyageur. J’ai effectué les tirages de ces clichés moi-même, à la main, sur de grands supports argentiques de près de 2 mètres, que j’ai ensuite collés pour leur donner plus de présence sur de la grosse toile apprêtée pour peintres. C’est là qu’un processus spécifique intervient. Sur les tirages argentiques très grand format le grain était gros comme du sable, et sur cette surface granuleuse, j’ai fait un saut dimensionnel en appliquant une impression selon le procédé StareReap, qui fait apparaître un objet très voyant, dérangeant. Par cet acte, pour moi, la “statue fondue” absente est littéralement “rappelée”. Le mot clé est : “fondu”. Cet objet est composé d’une accumulation d’images digitales d’objets fondus, empilées les unes sur les autres comme par le poids des instants passés accumulés. L’impression StareReap est lisse, mais tridimensionnelle, comme l’épaisseur d’une peinture, et en couleur, alors que les tirages argentiques en noir et blanc représentent le présent. Il y a collision et fusion des deux.
La série est composée de sept tirages, comme sept présences grandeur nature, avec l’espace circulaire de la RICOH ART GALLERY utilisé comme un panorama de la place en question à Paris. Les images aux formes étranges greffées sur les tirages argentiques induisent un brouillage du temps et du lieu, et la fuite des images.
Yuki Onodera