Pierre-Yves Caër Gallery, Paris
Exposition personnelle, 10/13-12/25/2017
“IMPROMPTUS”
RAFFINEMENT INAUGURAL
Yuki Onodera est une artiste atypique, expérimentale et talentueuse.
Assurément, Yuki Onodera est atypique. Parmi les grands photographes contemporains, peu, sans doute, peuvent se prévaloir d’avoir développé des séries aussi différentes les unes des autres que celles de Yuki. A une époque où tous les utilisateurs de téléphones mobiles sont de fait photographes et où l’accès aux photographies est instantané, Yuki explore la matière photographique pour donner à voir ce qui n’a jamais été vu. C’est un travail développé dans la durée – nombre de ses séries, comme Transvest, Eleventh Finger, Study for « Image à la sauvette » et Muybridge’s Twist, sont conçues et exécutées sur plusieurs années –, conceptualisé et visant à transformer le réel pour produire une nouvelle réalité onirique et fantasmée.
Yuki Onodera est expérimentale. Elle ne travaille qu’en argentique et se réfère régulièrement aux travaux de précurseurs de la photographie : Eadweard Muybridge pour la décomposition du mouvement (qui inspira Muybridge’s Twist), William Henry Fox Talbot pour le photogramme (repris dans Eleventh Finger). S’il y a chez Yuki Onodera le désir de retourner aux origines de la photographie, de repartir de zéro pour réinventer le médium, il y a aussi chez elle la volonté de porter la photographie vers de nouvelles frontières. Ainsi, elle introduit une bille de verre dans son objectif pour détourner la lumière (dans la série How to Make a Pearl) et crée de nouvelles réalités pour que le spectateur étire son imagination (Transvest, Liquid, TV and Insects, Muybridge’s Twist…)
Yuki Onodera est talentueuse et son talent est reconnu à travers le monde. Présente dans les collections des musées les plus prestigieux (Centre Pompidou, à Paris, J. Paul Getty Museum de Los Angeles, Shanghai Art Museum, Tokyo Metropolitan Museum of Photography…), Yuki expose dans le monde entier – la dernière exposition en cours, au Shizuoka Prefectural Museum of Art, confronte ses travaux à ceux d’Auguste Rodin et d’Eadweard Muybridge. Parce qu’elle maîtrise complètement sa discipline, Yuki Onodera peut se permettre de laisser dans l’exécution – au tirage ou au moment du développement – une place à l’imprévisibilité. Comme les grands musiciens du 19ème siècle (Schubert, Chopin, Liszt…), Yuki conçoit et compose chacune de ses séries avec infiniment de soin, de cohérence et de liberté ; en même temps, par les expériences qu’elle tente avec son appareil photo, elle prend le risque de l’imprévu. Tout cela caractérise au fond les œuvres musicales qu’on appelle des « impromptus ». C’est donc le titre de son exposition.
C’est un honneur pour Pierre-Yves Caër Gallery, dédiée à l’art contemporain japonais, de présenter les travaux les plus récents de Yuki Onodera en exposition inaugurale. Cette exposition inclut d’ailleurs aussi plusieurs de ses séries emblématiques. Yuki, qui vit et travaille à Paris et dont les travaux ont une dimension universelle, n’a pas vocation à se faire la représentante de la photographie japonaise. Ses œuvres n’en conservent pas moins un raffinement, une profondeur, une qualité d’exécution qui sont autant de points communs de l’expression artistique japonaise.
Texte : Pierre-Yves Caër
Catalogue de l’exposition, Yuki Onodera, Pierre-Yves Caër Gallery, Paris, 2017.
Muybridge’s Twist, Study for “Image à la sauvette”, ACT, Plus bas qu’Orphée, I. A la poursuite du disparu, Plus bas qu’Orphée, II. Mystérieuse distance, Look Out the Window, Liquide, TV et Insecte, Eleventh Finger, Transvest, 12 Speed, The World Is Not Small–1826